L
a réponse est donnée avant même que la question ne soit posée. A quoi tient le succès de Starmania, cette œuvre franco-québécoise, cet opéra des temps modernes de la fin des années soixante-dix ? Tout simplement à l'actualité qu'elle met en scène. Une actualité que chacun des millions de spectateur a vécu ; pis, vit jour que Dieu fait.
---On peut d'ailleurs s'étonner que, déjà, dans les années 1970, des esprits perspicaces comme ceux de Michel Berger, pour la musique, ou Luc Plamondon, pour les paroles, aient pu saisir les éléments qui font que Starmania demeure aujourd'hui d'une âpre, triste et morose réalité. Simplement poètes, ils ont pu penser le monde tel qu’ils l’ont vécu, en ont contenu les causes, tiré les conséquences et imaginé leurs suites. ---Ils ont mis en scène ce qui fait la vie - et la mort - . le sexe, la violence, la politique, les promesses non tenues, la Jalousie, la vengeance, la haine, la bagarre, la drogue, l'envie, le d'écraser l'autre par simple plaisir, gratuitement, ou surtout par intérêt. Ils l'ont imaginé voici vingt ans. Et nous l'avons réalise, sans vergogne, sans coup férir depuis. --- C'est dingue ! C'est fou ! Pourtant, c'est aussi la triste réalité nous subissons quotidiennement et que nous entretenons inconsciemment ou non ! A ces concepts de départ s'ajoutent la qualité de mise en scène de cette comédie chantée qui ressemble fort à la comédie humaine d'Honoré de Balzac, réactualisée, celle des acteurs comédiens, chanteurs, danseurs contorsionnistes, celle enfin, des autres techniciens hors pair (costumiers, éclairagistes, chorégraphe, décorateur, coiffeur, etc.), dont le travail, sans cesse remis sur le métier fait de cette œuvre une véritable institution de cette fin de siècle. ---L'histoire est simple comme un jour sans fin. Il y a les bons d’un côté. Les mauvais de l'autre. Les blancs contre les noIrs. L'underground face à la pureté du jour, le tout mélangé à la guimauve qui fait que la vie passe tout, même l'argent, la politique et l’amour. Bien entendu et heureusement, l'amour triomphera. La vie aussi. Du moins l'espère-t-on, lorsque l'on voit s'échapper de ce maudit café mal famé la sémillante Marie-Jeanne, la serveuse, qui quitte les souterrains en quête de soleil, chantant désespérément « Stone le monde est stone... » ! ---Certes, si 1'ombre de Michel Berger arraché à la vie en août 1992 et. celle de l'un des pionniers de cette merveilleuse aventure qui est Starmania, Daniel Balavoine, mort accidentellement en février 1986 sur le Paris-Dakar planent toujours et à Jamais, sa nouvelle version - allégée - métamorphosée pendant ses tournées à travers le monde, en particulier ,au Québec, et sa refonte complète pour qu'elle puisse être présentée en province, comme ce dimanche à Liévin, a gagné en saveur et ferveur. ---Des acteurs de la première édition (dont Diane Dufresne, Fabienne Thibeault et Nanette Workman, dans une mise en scène de Tom O'Horgan), il n'en reste que 15, dans une réalisation de Lewis Furey (le compagnon de Carole Laure), 15 de valeur, dont l'extraordinaire Jasmine Roy. Tous furent ovationnés en fin de spectacle par le public, comme il se devait ! Starmania, une façon caustique d'épurer le monde et nos sentiments. |
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Ils voulaient être des artistes, ils le sont devenus. Balavoine, Maurane, Fabienne Thibeault ont été révélés par le seul opéra-rock francophone.
U ne aventure simple comme un coup de fil entre Paris et Montréal, une nuit de Juillet 76. Tout a commencé par une sonnerie de téléphone et une histoire .de décalage horaire. « Il était 4 heures du matin, raconte Luc Plamondon. Au bout du fil. une voix frêle me dit : Bonjour, je m’appelle Michel Berger. Je veux faire un opéra-rock avec toi, y exprimer toute la violence qui est en moi. Il croyait appeler au milieu de l'après-midi. Berger connaissait « Opéra cirque », un album que Luc avait écrit pour Diane Dufresne en l973. « Les textes les plus violents que i'ai écrits. » A tel point que le disque ne fut pas distribué en France. Formé a la musique classique - sa mère fut une pianiste de renom -, Michel Berger rêvait de composer une œuvre longue et ambitieuse. ---« Il voulait s’inspirer du terrorisme de l'époque, particulièrement de l'affaire Patricia Hearst, aux États-Unis. l'enlèvement en 1974 de la fille d'un magnat de la presse par 1 un groupe d’extrême gauche et sa conversion aux pratiques de ses ravisseurs. » Plamondon parvient à convaincre Berger de s'éloigner du fait divers précis. « Avec Michel, nous étions des adolescents attardés. » Les personnages, baptisés Johnny Rockfort, Zéro Janvier. Stella Spotlight, Ziggy ou Cristal, semblent tout droit sortis d’héroïc fantasy des magazines US. On a même pensé à l’adapter en dessin anime avec Moebius. mais « Starmania » raconte avant tout le retour de bâton après nos belles illusions de la fin des années 60. Nous avons voulu montrer la déshumanisation du monde moderne ». Précurseurs ? Plamondon tempère. « En Amérique du Nord, c'était déjà la réalité. Les banlieues débarquaient en ville, les hommes d'affaires faisaient de la politique et achetaient les médias. N'oublions pas que le titre complet est « Starmania ou La Passion de Johnny Rockfort selon les évangiles télévisés ».Pour de nombreux jeunes, il s’agit d'une oeuvre d’actualité. «Le propos de « Starmania » reflète de plus en plus la réalité avec le désastre qui nous est livré aujourd'hui », résume Étienne Chicot, qui fut Zéro Janvier lors de sa création au Palais des Congrès, en 1979, Seulement vingt-neuf représentations (il fallait laisser la salle au Bolchoï) mais plus de 120 000 spectateurs. Et près de 150 000 personnes déçues refoulées au guichet. ---Pendant plus de deux ans, Luc et Michel n'ont pensé qu'à leur opéra. France Gall disait en 1979 : « Jour et nuit, nous vivons dans « Starmania », dans cette ville, ses souterrains. » Luc Plamondon se souvient :« Michel était un boulimique de travail. Tous les jours, il avait besoin d'un texte à se mettre sous la dent. » Quand Luc s'est rendu à Paris, il décida d'attendre deux jours avant de rencontrer Michel, Villa Beauséjour. «Le lendemain, Berger avait retrouvé ma trace dans un hôtel de la rue Saint-André des-Arts. « On a déjà perdu une journée »,m'a-t-il dit. I1 m'a enfermé dans une maison de Normandie. Sans téléphone. Certaines mélodies lui venaient dès qu'il se mettait au piano. Pour « Le Blues du businessman », il a posé les notes au moment où je posais le texte sur le piano. » Et il chantait lui-même toutes les chansons. Un dimanche après-midi, Michel a vu Daniel Balavoine à la télévision. « Il avait trouvé son Johnny Rockfort, violence presque adolescente, symbole d’une génération et en même temps vibrato à la Berger » Le producteur Roland Hubert, qui voulait une tête d'affiche et avait pensé à Johnny Hallyday. ---Quelques années plus tard, c'est son fils David qui était pressenti pour participer à la reprise, celle qui révéla Maurane. Parfois, Luc, qui voulait trouver des voix typées, déroutait Michel quand il lui présentait un chanteur. « Lorsque Claude Dubois, déjà une star au Québec, a entonné « j’aurais voulu être un artiste », il est pratiquement tombé de sa chaise.» Sa version, sur l’album originel, reste la référence d'une chanson devenue l'un des plus grands succès des karaokés. «La plupart des chanteurs l'interprètent note à note, dit Claude, alors que moi, on m'a laissé toute liberté. Nicole Croisille en a fait une vraie recréation. » Delon, Pagny et Tapie s'y sont essayés. «Les Uns contre les autres », l'autre hymne emblématique de « Starmania », a failli, lui, finir à la corbeille. « Un jour où je n'avais plus de copie à lui donner se souvient Luc, Michel s'est emparé d'un brouillon sur lequel je souhaitais encore travailler pour l'impressionner Deux heures après, la chanson était finie. » Mais personne n'en voulait : ni Diane Dufresne - « Pas Question de chanter un slow » -, ni France Gall « Si je participe à l'aventure, je veux un rôle plus conséquent». Tant et si bien qu'une fois la bande play-back et la partie du duo chantée par Claude Dubois enregistrées, on la mit de côté. « Le dernier jour, à 23 heures, Michel s'est rendu compte avec horreur qu'il manquait la voix féminine, raconte Fabienne Thibeault. I1 allait abandonner la chanson quand, allongée sur un divan, j'ai tourné la tête et j'ai dit : « Si je peux vous aider je la connais ». ---Sans le savoir Fabienne, qui tenait le rôle de Marie-Jeanne, la serveuse automate, venait de donner un sacré coup de voix. C’est 1a chanson qui lança « Starmania ». Quand les francophones se rassemblent, ils peuvent damer le pion aux Américains. ---L’union entre un compositeur français et un parolier québécois est à la genèse de ce succès, comme l'avait pressenti Michel Berger. Il avait dit à Plamondon, alors que ce dernier triturait son dictionnaire en écrivant « Le monde est stone », pour éviter un américanisme : « Ne change pas un mot à ta façon d'écrire. » Étienne Chicot, admiratif précise « qu’à la manière de Simenon, il sait ciseler la langue avec à peine 500 mots. Une économie de moyens pour raconter ce qu'il y a de commun à tous. » Dans toutes les distributions, pour un disque ou une scène, la part des Québécois est primordiale, ils apportent spontanéité et chaleur dans leur phrasé. N'a.t-on pas pris longtemps Maurane la Belge pour une Canadienne N « Même dans mon Quartier à Bruxelles, on le pense encore. Je raconte que j’ai fait mettre sur mon passeport « Belgécoise. » Aujourd'hui, Luc forme le projet de réaliser l'un des derniers rêves de Michel : « Enregistrer « Starmania », sans rythmique avec voix classiques et orchestre symphonique ! S'il a déjà convaincu la cantatrice Françoise Pollet, il cherche un ténor au Canada. |
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E
ncore une fois, la venue de Starmania à Québec ne passe pas inaperçue car les billets se sont envolés dans le temps de le dire et on doit faire des représentations supplémentaires. Cette dernière version de l'opéra-rock, datant de 1993 et mise en scène par Lewis Furey, met entre autres en vedette Patsy Gallant dans le rôle de Stella Spotlight, la star déchue de la ville de Monopolis.
---Celle qui s'est fait connaître mondialement en 1976 par la chanson "From New York to L.A.", la version anglaise de 'Mon pays c’est 1’hiver' de Gilles Vigneault, a d’abord effectué son retour sur la scène québécoise avec un spectacle rendant hommage à Édith Piaf C'est d'ailleurs grâce à Piaf qu'elle a obtenu le rôle de Stella Spotlight, car lors de l'audition, elle a interprété une chanson de la star qui a fait monter les larmes aux yeux de ceux qui étaient présents. Mais c'est Starmania qui la fait aujourd'hui connaître des plus jeunes, car cette production remporte un énorme succès auprès de ces derniers. ---En 1979, Mme Ga11ant est passée tout près d'interpréter Ste11a Spotlight lors de la toute première version de Starmania. C'était lors d’une émission de Michel Drucker où elle était invitée en même temps que Luc Plamondon et Michel Berger Lorsque M.Plamondon l'a entendue chanter, il a pensé que Mme Gallant pourrait faire une excellente Ste11a Spotlight. C'est alors que lui et M.Berger ont contacté son agent, mais celui-ci a refusé l'offre sous prétexte que la star était trop occupée. Mme Gallant n'a été mise au courant de cette anecdote seulement il y a deux ans, lorsqu'elle acceptait enfin le rôle. Mais elle considère qu'elle est aujourd’hui plus apte à jouer ce rôle car son expérience s'est accrue de beaucoup dans le domaine du show-biz et en général et elle peut ainsi mieux sentir les états d’âme de son personnage. ---Si on demande à Patsy Gal1ant ce qui a fait le succès de Starmania, elle nous répondra que c'est grâce aux écrivains qui ont choisi un sujet qui ne se démode pas, malheureusement, car il y aura toujours des gens assoiffés de pouvoir dans le monde." Mais elle considère que Starmania a beaucoup évolué depuis sa création, surtout avec cette dernière mise en scène de Lewis Furey, car elle est plus avant-gardiste. Mais les paroles n’ont été que très peu modifiées pour entrer dans les années 1990. ---On ne peut pas réellement établir de comparaison entre l'interprète de Stella Spotlight dans la première version de Starmania, Diane Dufresne, et Mme Gallant car elle considère qu'elles jouent le personnage d’une façon totalement opposée. Celle-ci joue Stella Spotlight, tandis que Mme Dufresne la chantait plutôt. C'est d’ailleurs ce que Mme Gallant aime de la comédie musicale ou de l'opéra-rock . la dualité entre le jeu et le chant, ce qui lui permet d'exercer les deux à la fois sans avoir à faire un choix. ---Quant au futur de Patsy Gallant, pour l'instant c’est à Starmania qu'elle se consacre entièrement, mais elle garde aussi à l’idée que le jour où je me lasserai, je lâcherai, même si pour elle il est très difficile de se lasser lorsque le public est toujours là pour vous appuyer. ---Après Starmania, elle prévoit aller en studio pour enregistrer un nouvel album dont elle est déjà en train d'écrire les deux premières chansons. Mais d’ici là, elle continue à jouer la star déchue, même si elle-même est en pleine ascension grâce à Starmania. |
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Quel est donc le secret d'une comédie musicale, pardon, d'un opéra rock réussi? Radioscopie du plus célèbre Musical francophone par son auteur 20 ans après sa création. ---Le sujet de Starmania est encore plus important que sa trame, c'est une espèce de fresque sur le monde moderne. Starmania est sorti en disque en 1978 et le spectacle a été monté en 1979. Cette œuvre était futuriste à 1'époque de sa création, je pourrais même dire que j'ai essayé d'écrire un concept visionnaire, de projeter des sentiments d'aujourd'hui dans un monde de demain. En 1975, lorsque j'ai commencé à en parler avec Miche Berger, i1 voulait faire quelque chose de moderne et m'avait contacté, moi, auteur québécois, pour la modernité de mon écriture ("Toi, tu écris rock!"). ---A Montréal, il s'était procuré mes deux premiers albums pour Diane Dufresne, dont le deuxième "Opéra cirque", un mini opéra de 30 minutes à un seul personnage, n'est jamais sorti en France. Il trouvait que j'y décrivais bien la violence du monde moderne et voulait exprimer une part de sa propre violence à travers sa musique. Je suis venu en France, nous nous sommes rencontrés autour de ce projet, et il m'a joué des musiques très lyriques qui progressivement sont devenues rock à partir du moment où j'ai mis des textes dessus. "Le monde est stone" est construit sur une mélodie très classique, mais avec ce texte très dur, elle sort du registre lyrique. ---Ensemble, nous avons donc voulu faire quelque chose de très rock, de visionnaire, un opéra sur l'an 2000… A 20 ans de là, nous imaginions qu'à cette date le monde serait très différent. ---Je me rends compte avec le recul que ceux sont les très jeunes qui ont vraiment aimé Starmania à sa création. On s'en est moins aperçus sur le moment parce que, comme le premier spectacle au Palais des Congrès était assez cher, nous n'avions pas un public très jeune, contrairement à celui qui vient le voir aujourd'hui. Au départ, le spectacle n'a été joué que durant un mois, et était trop cher pour tourner, du fait des vedettes qui y participaient et qui avaient aussi d'autres projets à mener à bien, et puis la salle était déjà réservée pour le Bolchoï et d'autres artistes. On ne s'est donc pas immédiatement rendus compte de l'impact qu'on avait eu sur le public. Aujourd'hui, je constate que beaucoup de gens âgés de 30 et 40 ans ont vu Starmania plusieurs fois. En 1988, nous avons vraiment touché toute une nouvel le génération, qui, après avoir écouté le disque très jeune, est venue en foule voir le spectacle. Et la grande surprise de cette nouvelle édition 97, c'est que, 20 ans après, la nouvelle génération des moins de 20 ans vienne en si grand nombre, et représente 60% de notre auditoire! On attaque la quatrième année de tournée en France, de six mois chacune, dans des Palais des Sports qui font jusqu'a 5000 places, de la Halle Tony Garnier à Lyon au Forest National de Bruxelles, avec parfois trois soirs dans une ville où un chanteur rock ne fera qu'une seule date! ---Il y a eu cinq productions différentes de Starmania avec, à chaque fois, des petites modifications au livret : la création à Paris, la nouvelle création à Montréal qui a été jouée plus de 150 fois avec un autre casting et une mise en scène beaucoup plus réaliste, plus proche de la vie des gens. Cette production-là a influencé la version, à mi-chemin entre mise en scène réaliste et concert rock, que nous avons faite en 1988 à Paris avec Michel Berger. ---La nouvelle version de Lewis Furey est futuriste comme la toute première, de Tom O'Horgan, mais ne joue pas du tout la carte du réalisme, et c'est celle qui fait le plus l'unanimité, parce que justement, il ne s'agit pas d'une histoire réaliste, mais d'une fable. Je disais d'ailleurs à l'époque que nous avions créé une bande dessinée musicale. ---Avec la musique lyrique de Michel Berger et mes textes assez violents, le public a aimé l'œuvre au premier degré et nos chansons sont devenues des standards : "Les uns contre les autres", "Le monde est stone", "Le blues du businessman"... Certaines ont mis plus de temps que d'autres pour s'imposer, "Ziggy" a mis dix ans avant d'être un tube chanté par Céline Dion (1 000000 exemplaires vendus dans le monde) et "SOS d' un terrien en détresse" a connu un véritable succès à travers l'interprétation qu'en a fait Peter Kingsberry dans la version anglo-saxonne ("Tycoon "). L'ombre de Balavoine -le seul interprète de la version originale pour lequel Michel avait écrit intentionnellement écrit ce titre-là, sur deux octaves et demie-, apporte aussi de grands moments d'émotion lors des représentations...". ---Et l'on n'a sûrement pas fini d'extraire des pépites de la mine (à quand un duo de stars sur "Ego trip", par exemple?) car rarement œuvre aura été à la fois vivier de succès -comme vingt ans avant West Side Story- et de talents (Balavoine, Fabienne Thibeault, Maurane, Renaud Hantson). Une vraie école vivante de comédie musicale ! De là à devenir "Monsieur Starmania", i l y a un pas que Luc Plamondon ne veut pas franchir, car rien n'est pire que de devenir prisonnier d'UN succès, même si en l'occurrence celui-ci est... multiple, et la gageure consiste bien sûr à se renouveler avec d'autres compositeurs. ---Starmania n'est qu'un moment de ma vie parmi tant d'autres. J'ai écrit trois autres comédies musicales et plus de 400 chansons, pour Julien Clerc, France Gall, Barbara, Johnny Hallvday, Svlvie Vartan, Céline Dion, Robert Charlebois, Nanette Workman et bien sûr Diane Dufresne... Il est vrai que le succès de cette œuvre est tel qu'elle me suit partout, comme certains écrivains sont marqués à vie par un livre particulier. J'ai beaucoup donné à Starmania puisqu'on l'a monté cinq fois en français dont trois fois en France, deux fois au Québec, depuis sa création. Chaque fois avec une nouvelle distribution et un nouveau metteur en scène, ce qui représente des mois de discussions. En ce moment nous avons deux propositions très sérieuses d'adaptation de très haut niveau au cinéma. Je crois bien que ça se fera pour l'an 2000. La pièce va aussi être remontée en Allemagne, à Madrid, à Tokyo. ---Cela m'occupe beaucoup. D'ailleurs si je ne m'occupais vraiment que de cela, la carrière internationale de Starmania serait encore plus importante! L'opéra a toujours été divisé en très long tableaux, presque des actes, alors que nous procédons comme au cinéma, par scènes très courtes. C'est pour cela que Starmania marche si bien. tout y va très vite, il y a deux actes d'une heure, avec une succession de courts tableaux, et dans chacun d'eux une je me suis laissé chanson que les gens reconnaissent. ---Dans le cas de Starmania, les doublures jouent une fois par semaine, afin d'être vraiment prêtes en cas de défaillance des rôles principaux. Toutes les doublures ne jouent pas en même temps, et il n'y a pas une doublure pour chaque rôle. 1 y a une interprète qui double quatre rôles féminins, et un interprète qui double trois rôles masculins. ---Le fin du fin étant que Luc Plamondon parachevait le nouveau casting de Notre-Dame en même temps qu'il en renouvelait un autre (reprise de Starmania au Palais des Sports). Chassé-croisé d’automne entre un spectacle sur la fin de siècle né il y a 20 ans pile et un autre conçu en plein romantisme sur le moyen âge, entre Phoebus et Johnny Rockfort, Gringoire et Zéro Janvier, Fleur de Lys et Ziggy. ---« En ce qui concerne le remplacement des chanteurs, puisque Starmania a déjà connu cinq versions, je n' engage pas comme à Broadway des acteurs qui vont copier la performance de leurs prédécesseurs, je choisis plutôt des acteurs qui vont renouveler le rôle! Mais on auditionne beaucoup à chaque fois. » ---En fait, je ne recherche pas des rôles de composition, mais une identification immédiate entre le personnage et l'interprète, je choisis des gens qui, en répétition, sans costumes, sont déjà crédibles dans le rôle. Et ces chanteurs, qui seraient pour la plupart incapables de jouer un texte parlé, deviennent acteurs en chantant s'ils sont bien dirigés. ---D'où peut-être l'éternelle jouvence de la pièce, oeuvre futuriste à l'époque de sa création, toujours moderne 20 ans après et brassant sans cesse de nouvelles générations, sur scène comme dans la salle, mais décidément inclassable. ---Starmania était un opéra rock, mais à sa création, les producteurs n'ont pas voulu qu'on associe ces deux mots, et l'on a dû attendre Mogador en... 1993 pour l'appeler ainsi sur l'affiche (!), même en 1988 on n'avait pas utilisé ce qualificatif ! ---En 1988, Starmania a dû quitter le Théâtre de Paris et être transféré à Marigny parce qu'un producteur américain y montait Cats. Ces deux saisons programmées dans des théâtres de moins de 1000 places nous ont permis d'installer le succès de Starmania qu'on n'aurait pas pu remonter à cette époque-là dans une salle de la taille du Palais des Congrès. Toutes les comédies musicales ne se prêtent pas à être jouées dans une grande salle. Au contraire, on devrait développer en France un style de spectacles plus intimistes. Il devrait y avoir un théâtre consacré à la comédie musicale à Paris, qui serait aidé par l'Etat. |
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