( Par e-mail, le 04/03/2001 )

______Quelle surprise pour nous lors du concert de Bruno Pelletier à la Cigale d'apercevoir Sabrina Lory, qui nous avait charmés dans le rôle de Stella Spotlight dans la vidéo de 1988... Mais quelle surprise encore plus grande de découvrir à ses côtés Wenta, Sadia, que nous n'avions pas reconnue au premier abord tellement elle était à l'opposé de son interprétation : douce, belle, drôle, souriante... Quelques mois et quelques mails plus tard, elle nous offrait une très belle interview... Aujourd'hui, nous la partageons avec vous...



M.Y.R. : Chère Wenta, sachez que nous sommes très flattés d'être entrés en contact avec vous et nous vous remercions de tout coeur d'avoir accepté cette interview pour Le Site Starmania....

Wenta : Et moi, je suis très heureuse de sentir grâce à vous, que Starmania is alive ! Il faut savoir que si Starmania dans la vie des fans de ce spectacle prend une place importante, il en est de même pour les acteurs. Pour moi, il y a "avant" et "après" Starmania. Ce n'est pas anodin : la rencontre avec la troupe, avec Michel et avec l'oeuvre surtout, dont je ne me lasse pas. J'aime tellement toutes les chansons qu'il m'est même arrivé, pour le plaisir, de donner des concerts avec mon pianiste, où je chantais tout le spectacle ! Tous les rôles en un soir ! Le pied total ! Epuisant pour la voix et l'émotion, mais c'est ça qui est bon !



Maquillage pour Wenta... Il faut durcir les traits !


M.Y.R. : Vous avez passé plusieurs saisons au sein de la troupe de Starmania de 1988 à 1990... Quel en est votre meilleur souvenir ?

Wenta : C'est difficile à dire, les plaisirs furent multiples. Dans la relation aux autres chanteurs, au public. J'ai eu des émotions très vives aussi quand certaines personnes que j'admirais en tant que chanteurs ou acteurs, venaient nous voir et me disaient avoir été touchés par ce que j'avais fait du personnage de Sadia. Le plus beau souvenir est celui du final ; peut-être parce qu'il se répétait tous les soirs et qu'il est devenu avec le temps comme un moment unique. Quand nous avancions tous en ligne après "Stone", la plupart du temps, je n'arrivais pas à chanter tellement j'étais étranglée de larmes. Maurane me bouleversait tous les soirs et surtout, quand le "miroir" se levait, nous découvrions le public debout, on voyait au premier rang ceux qui pleuraient. C'était un moment de communion presque mystique.


M.Y.R. : Et le pire ?

Wenta : Une violente crise de tachycardie sur scène, le soir où Depardieu et Barbara étaient dans la salle. Ceci expliquant sans doute cela ! Coco Balavoine à l'entracte était venue dans ma loge et avait fait preuve d'une tendresse et d'une écoute merveilleuse. Elle m'avait aidé à passer le cap du deuxième acte par son soutien. J'étais effondrée, j'avais l'impression que ça se voyait et que j'étais nulle. Le plus drôle, c'est qu'après le spectacle, cet enfer s'est transformé en paradis ! Depardieu m'a longuement parlé de ce qu'il avait perçu de mon interprétation. Il a été manifestement touché, "surtout" m'avait-il dit, par "la fracture " que l'on sent dans le personnage ! S'il savait à quel point ce soir là, j'étais effectivement fracturée moi-même au delà de tout !


M.Y.R. : Avez-vous deux ou trois anecdotes à nous livrer qui se sont déroulées sur scène ou hors-scène ?

Wenta : Sur scène , j'ai un peu honte de le dire, mais un soir de dernière, à Marigny, j'ai tellement fait l'imbécile sur scène pendant la chanson de Johnny, qu'en essayant de m'accrocher à la grue qui remontait, je suis tombée dans la fosse d'orchestre ! Ca a été très vite ! J'aurais pû m'empaler sur les tiges de fer qui constituaient la batterie sur laquelle j'ai atterri ! Je me suis fait malgré tout bien mal, mais je suis remontée par la coulisse sur scène, pour finir la chanson comme si de rien n'était !

Un autre soir, au moment où je devais m'écraser de colère une cigarette dans la main : comme tous les soirs, je l'ai fait vraiment ! On me mettait un sparadrap épais sur la paume et d'ordinaire j'écrasais la cigarette dessus. Ce soir là, je l'ai fait à côté du pansement ! Mais sur scène, on ne réagis pas comme dans la vie. La douleur a été terrible, mais je ne pensais qu'à la colère de Sadia. J'ai donc fini mon geste, jeté ma chaise en travers de la scène (certains soirs elle traversait tout !) et une fois dans les loges, là, seulement, j'ai hurlé ! Comme dans les Tex-Avery !

Le soir où François Mitterrand est venu nous voir au Théâtre de Paris, il est arrivé en retard et ne m'a pas vue chanter Travesti. J'étais furieuse. Il est venu nous saluer à la sortie de scène, et quand il est venu me féliciter, moi qui étais encore sur l'énergie de colère et de violence de Sadia, je lui ai répondu "je ne vois pas comment vous pouvez me féliciter, vous avez raté la moitié de ce que j'ai fait !" Il y a eu un blanc... Et avec un sourire malicieux, il m'a promis de revenir, mais à l'heure cette fois, et s'est excusé !



Wenta et toute la troupe rencontre Monsieur Mitterrand


M.Y.R. : Etes-vous, depuis votre départ, retourné voir la dernière mouture ? Si oui, pouvez vous nous dire votre sentiment sur chacun des interprètes et sur la mise en scène ? Si non, connaissez-vous au moins les artistes de nom et pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Wenta :
Patsy Gallant : Grande dame, quelle voix !

Michel Pascal : Là, je ne suis pas objective de toutes façons : Michel fait partie de ces chanteurs qui, dès qu'ils émettent un son, me rendent folle ! C'est physique ! J'adore.

Kwin : La Sadia la plus intéressante que j'ai vue depuis les reprises. Elle est fauve, belle, énergique.

Frank Sherbourne : Le Frank au naturel, déjà c'est un personnage ! Sur scène, ce type là a tout ce qu'on peut espérer pour un chanteur : Une voix, un corps, une manière de bouger, une pêche et un évident bonheur d'être là !

J'ai pu apprécier aussi de voir Sabrina Lory, qui dans ma version jouait Stella Spotlight, et depuis la reprise les autres rôles féminins ! Je trouve ça formidable et très enrichissant pour une artiste de pouvoir changer de personnage comme ça ! Et Dieu qu'elle a du talent. Cette fille est belle à crever et quelle voix ! Pas seulement une "pétoire" comme certaines ! Des qualités vocales exceptionnelles au service d'une grande intelligence et d'une grande émotion. La technique vocale ne m'impressionne pas si elle n'est pas au service d'un véritable artiste. Sabrina a tout.


M.Y.R. : Quel est votre version de Starmania préférée et pourquoi ?

Wenta : La nôtre ! Parce que c'est Michel qui a fait la mise en scène, que j'ai adoré sa vision. Sans frime et sans fioritures. Et surtout, ce qui comptait le plus pour lui, c'était l'émotion. Furey a pris parfois le contrepied systématique de cette version, pour s'affirmer sans doute. C'est au détriment de ce qui pour moi est l'essence de Starmania. Starmania est une grande tragédie classique. Elle pourrait se jouer dans une grande pureté de décors et de costumes. Le côté Mad Max a peut-être été plus "vendeur" mais s'éloigne du propos pour moi.


M.Y.R. : Comment expliquez-vous le succès de Starmania qui triomphe depuis plus de 20 ans ?

Wenta : Parce que tout est dans le livret. Les chansons sont d'une qualité exceptionnelle. Faussement simples ou simplistes. C'est ce qui est le plus difficile à faire. Et puis Michel et Luc ont fait oeuvre de visionnaires en l'écrivant. Les personnages de Starmania sont de toute éternité et la société qui était décrite dans les années soixante dix n'est pas loin de la réalité. A l'époque où on la jouait, il y avait Tapie, Berlusconi...


M.Y.R. : Vous avez bien connu Michel Berger, pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Wenta : Michel était très discret. Il s'exprimait peu. Il était manifestement, sous son apparence toute lisse et toute douce, rongé en permanence. J'étais très malheureuse au début des répétitions, parce qu'il ne me disait rien. Ou juste ce qui n'allait pas. C'était très destabilisant. C'est grâce à France Gall (qui est nettement plus extravertie !) que j'ai su qu'il appréciait mon travail. Il était comme ça, très concentré. Beaucoup de choses lui semblaient superflues. Il était toujours dans l'essentiel. Il manquait peut-être aussi de capacités à dire ses sentiments. Je me souviens qu'en arrivant dans ma loge le soir de mon anniversaire, je l'ai croisé dans le couloir. Il a filé comme un voleur en me disant à peine bonsoir... Je n'ai pas compris jusqu'à ce que j'entre dans ma loge. Il venait en fait d'y déposer un cadeau et un petit mot ! Mais me dire "Joyeux Anniversaire", comme ça, en direct, c'était trop pour lui. C'était très émouvant cette fragilité.



Wenta se prépare à endosser le rôle de Sadia


M.Y.R. : Comment vous-êtes vous préparée pour le rôle si noir de Sadia ? Quelles étaient les consignes des auteurs-metteurs en scène pour le personnage ?

Wenta : J'ai ramé beaucoup au début. Parce que Sadia est "la violence personnifiée" et pas moi ! La première fois que j'ai essayé mon costume, je n'osais pas sortir de ma loge dans cette tenue ! Hervé Lebo, qui nous dirigeait sur le plan chorégraphique, m'a énormément aidé à la trouver cette Sadia. Avec un training forcené, des exercices dignes des G.I's parfois, il m'a conduit à trouver la démarche, l'énergie du personnage.

Avec Michel, nous parlions d'elle d'une manière plus intellectuelle. D'où elle vient, qu'est ce qui la motive. D'ailleurs nous n'étions pas d'accord sur tout. Pour lui, elle était réellement une femme qui se faisait passer pour un Travesti par provocation. Pour moi, elle était vraiment un Travesti. C'était plus fort, plus excitant à jouer. Et ça justifiait d'autant mieux pour moi que Johnny la quitte pour un "vraie" femme et qu'elle ait envie de tout détruire. Elle ne s'acceptait pas telle qu'elle était, elle ne trouvait pas sa place, d'où sa violence de comportement. Ce qui compte, ce sont les motivations intérieures qui vous font trouver le personnage, de toutes façons. Mais je pense, qu'il y a dans Starmania, quelque chose autour de la sexualité des personnages de très intéressant à étudier. Pour moi, Michel n'assumait pas l'idée du Travesti. Luc était plus à l'aise avec ça.





M.Y.R. : Vous avez été contactée il y a quelques temps par les producteurs de Roméo et Juliette pour interpréter le rôle de la maman de Juliette aux côtés de Réjane Perry qui a déjà été votre partenaire... Pourquoi ne pas avoir accepté le rôle ?

Wenta : Parce que j'ai trouvé qu'il y avait des chansons sublimes, mais que ce n'était pas moi qui les chantais ! Et parce qu'on m'a demandé de signer un contrat de trois ans. J'aurais littéralement exposé en vol si je m'étais engagée dans une aventure pareille en sachant que je serais frustrée sur le plan artistique ! La frustration peut se vivre sur un temps défini et assez court... Trois ans auraient été insupportables pour moi et pour eux.


M.Y.R. : Avez-vous gardé contact avec des chanteurs avec qui vous avez travaillé dans Starmania depuis 88 ?

Wenta : Oui ! Avec Maurane, mais là on triche ! On se connaissait toutes les deux bien avant Starmania. Avec Sabrina Lory, qui est quelqu'un que j'admire beaucoup. Je revois dès que je peux Norman et Richard Groulx, on se fait des soirées fromage à la maison, ils adorent ça ! Et puis du côté coulisses, je n'ai pas perdu contact avec Bonnie, qui nous coiffait, Régis des lumières, Véronique Lazzarini et Sébastien le Magnifique, qui étaient de l'équipe technique...





M.Y.R. : "Wenta" : un nom de scène qui intrigue... Pourquoi ??? Et quel est le prénom de Wenta à la ville ?

Wenta : Je m'appelle Dominique. En fait, Wenta est le nom de famille de ma mère. Elle est d'origine polonaise. De ce côté de ma famille, on est tous artistes ! Ma mère est peintre et d'ailleurs, elle a un site sur Internet ! Je vous donnerai l'adresse à l'occasion : (http://www.cabourg.net/tourisme/culture.php#)


M.Y.R. : Préparez-vous une rentrée sur scène prochainement ou un album ou autre encore..?? Quels sont vos projets ?

Wenta : J'ai décroché de l'envie d'album ou de carrière solo. En fait, ce n'est pas mon truc. J'aime le changement. Et j'écris énormement. Des livres pour enfants, des pièces de théatre , des séries télés, des comédies musicales (si, si !). En matière d'écriture comme pour le chant, j'aime changer de rôles. J'ai assez longtemps gardé pour moi ce que je faisais. J'ai commencé à montrer ce que je faisais il y a peu...

Pour la scène, j'espère que "Quand la guerre sera finie", qui est un projet de comédie musicale magnifique, sera bientôt monté. J'y ai un rôle passionnant et éprouvant...


M.Y.R. : Merci beaucoup Wenta pour cette interview très enrichissante...!

Wenta : Merci !!!


Wenta et Renaud Marx, l'inspecteur Kaplan de Julie Lescaut,
dont elle partage la vie !




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Le site de son groupe de blues-rock : Wenta's got the blues
La bio et les photos de Wenta